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Le culte des déesses-mères des Trois mondes

Mis à jour par Phi Huu Duc 2024-01-27 11:21:45
Depuis le 16ème siècle, les Viets, majoritaires au Vietnam, vénèrent les déesses-mères des Trois mondes: le monde céleste, le monde de l'eau et le monde des montagnes et des forêts. Le 1er décembre 2016, les pratiques liées à cette croyance ont officiellement été inscrites sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité.

Nous sommes à une cérémonie en hommage à “Cô đôi thượng ngàn”, une belle femme légendaire qui règne sur les hautes montagnes. Musique entraînante, danse excitante et foule enthousiaste… tout le nécessaire pour une entrée en transe par laquelle le commun des mortels se met en contact avec les divinités. Le danseur-chaman leur sert d’intermédiaire, comme nous l'explique le professeur Ngô Đức Thịnh, grand spécialiste de cette croyance:

“Au troisième et huitième mois lunaires, les Viets organisent des cérémonies de possession d’esprits lors desquelles les divinités du culte des déesses-mères investissent le corps des chamans masculins ou féminins. La séance se déroule en musique et en danse. Le chaman peut être possédé successivement par un maximum de 36 esprits. Par son biais, les fidèles qui assistent au spectacle adressent des voeux aux divinités.”

 

Les trois principales déesses-mères vénérées par les Viets sont Thánh Mẫu Liễu Hạnh, la déesse du monde céleste, Mẫu thượng ngàn, la déesse des forêts et des montagnes et Mẫu thoải, la déesse de l’eau. Les autres génies sont des personnages historiques ou légendaires dont les mérites sont profondément ancrés dans la mémoire collective. Le culte des déesses-mères des Trois mondes résulte d’un mélange entre les croyances autochtones et certains éléments importés du taoïsme et du bouddhisme. Les divinités honorées viennent non seulement des croyances des Viets majoritaires mais aussi celles de plusieurs minorités ethniques, ce qui témoigne des liens étroits et égaux entre les différentes ethnies du pays. Ngô Đức Thịnh:

“Le culte des déesses-mères puise son origine dans le delta du fleuve Rouge. Les provinces du sud de ce delta, à savoir Nam Định, Thanh Hóa et Ninh Bình constituent son berceau; la déesse Liễu Hạnh y est d'ailleurs apparue trois fois. La population a érigé des temples en son honneur, les plus connus étant “phủ Dầy” et “phủ Lấp” dans la province de Nam Định. A Hanoï, nous avons “phủ Tây Hồ” au lac de l’Ouest où elle rencontrait des écrivains et des poètes.”

Pour Nguyễn Văn Tiến, qui est un fervent fidèle des déesses-mères, c’est une pratique religieuse qui répond aux souhaits quotidiens de l’homme.

“Cette tradition nous conseille de cultiver notre éthique, d’être reconnaissants envers nos ascendants, mais aussi envers les héros de la nation. Nous prions les déesses-mères de nous apporter santé, sérénité, chance et prospérité.”

Dans les croyances populaires, tous les phénomènes naturels, sécheresse comme inondation, stérilité comme fertilité, développement ou dépérissement, dépendent de la Mère-Univers. Aussi, le commun des mortels aspire-t-il à sa protection. Nguyễn Tiến Dũng, chercheur ès croyances:

“Chaque cérémonie de possession d’esprit regorge de valeurs artistiques: musique, danse, composition florale, arts martiaux, sculpture, pliage de papiers, gastronomie, art vestimentaire. Cette croyance constitue un appui spirituel qui conforte l’individu dans sa vie de tous les jours, encourageant sa bonté et son honnêteté. Mais ces cérémonies visent aussi à prier pour la paix, pour le bonheur du peuple et pour un climat clément pour tout le pays.”

Très répandues dans le Nord et le Centre du Vietnam, ces pratiques aident à préserver une part de l’histoire de la communauté, de son patrimoine culturel et de son identité. Le partage de valeurs communes et d’une croyance profonde en la compassion et en la grâce des déesses-mères est au fondement des relations sociales et lie les membres des communautés participantes. Le culte des déesses-mères contribue également à valoriser les femmes ainsi que leur rôle dans la société. Le 1er décembre 2016, il est devenu la onzième tradition vietnamienne à faire son entrée dans le patrimoine culturel immatériel de l’humanité.

 

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